Translate

dimanche 14 janvier 2018

Julien, antifa : portrait d’un révolutionnaire

 
 
Résultat de recherche d'images pour "antifa" 


Le 14/01/2018
 
 
Papa vote Mélenchon, maman adore les petits marchés bio, tous les deux sont abonnés à Libé – ils seront bientôt les seuls.
 
Papa est DRH, maman bosse dans la com’, Julien est antifa : il est pour les migrants et contre les amalgames, car l’injustice le révolte.
Alors il se bat – contre la Manif pour tous, la jungle de Calais et la France de Ménard ; contre ces fachos de flics, aussi : son ami Antonin a essayé d’en faire cramer deux, une femme et un Antillais, après avoir fracassé leur voiture de nazis – ça n’a pas éclairé les heures sombres, mais Antonin a fait douze mois de préventive : les juges, c’est des vendus ; et s’est fait racketter en prison : les Nike, c’est défendu.
Julien, lui, il a écrit « poulets rôtis » sur une pancarte qu’il a posée sur la chaussée, puis il a eu faim et il est rentré chez lui, dans le XIVe, où il vit avec ses parents.
Rachida avait fait du poulet, justement.
Papa vote Mélenchon, maman adore les petits marchés bio, tous les deux sont abonnés à Libé – ils seront bientôt les seuls.
« Il met ses actes en accord avec ses idées, dit son papa en le voyant sortir pour lutter contre le retour des années trente.
Et n’oublie pas ton cache-nez, ajoute sa maman.
Je vous ai fait du saumon à l’aneth », dit Rachida, en glissant un Tupperware® dans le sac à dos du révolutionnaire.
Il étudie rue Saint-Guillaume et fera carrière dans la presse, la banque ou la politique ; en attendant, il se bat contre Wall Street et la City : un jour, avec Gaspard et Balthazar, qui étudient la sociologie à Nanterre, il a même cassé la vitrine d’une Poste.

Parfois, Julien pense à Clément Méric, son semblable, son frère, et il a la rage – il voudrait casser du Blanc, foutre le feu, insulter des bouseux ; alors il enfile son tee-shirt zadiste, s’allonge sur son lit et s’endort en regardant Alexis Corbière sur BFM TV.
Sinon, il ne rate aucune manif.

« Le fascisme ne passera pas ! »
Et avec ses bras épais comme des piques de barbecue réunies en fagot, il fait barrage de son corps. Un jour, il a pris de la bombe lacrymo dans les yeux.
Ça pique. Salauds de flics. Du coup, il ne sait pas si le fascisme est passé.
La semaine dernière, il a croisé Serge Ayoub, vers Nation ; il s’est dit : « C’est le moment. » Il a crié : « Fasciste ! » Puis il est parti en courant ; du coup, il ne sait pas si Ayoub s’est retourné.

Ce soir-là, Rachida avait fait du gratin. « C’est pour toi et pour tes frères que je me bats », lui a-t-il dit, en la voyant brancher l’aspirateur.
Un jour que les trains étaient en grève, il l’a même raccompagnée chez elle en voiture et en banlieue : c’était loin et laid.
Il a sympathisé avec de primesautiers adolescents régionaux ; il leur a parlé de l’entité sioniste scélérate et eux des derniers outrages qu’ils allaient lui faire subir.
« Rendez-lui sa doudoune, nardinamouk ! » a dit Rachida, pour mettre fin à ce malentendu.

Julien est revenu chez lui, plus écœuré que jamais contre l’injustice sociale qui frappe les victimes du consumérisme.

Depuis, il pense se convertir à l’islam.

Après les partiels de février, peut-être.

En attendant, il va finir le gratin de Rachida.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.