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jeudi 28 décembre 2017

Misère médicale de la France provinciale : un cas concret

 
 


Le 28/12/2017
                 
Médecin
La population de Cuffies, dans l’Aisne (1.800 habitants), vient de perdre son dernier médecin généraliste.

Pas d’une longue et douloureuse maladie, ni même d’un accident de la route : le docteur Delatte a été élu député !
Il avait bien promis qu’en cas de victoire, il continuerait à exercer une demi-journée par semaine, mais quand on est « en marche », on est 24 h sur 24 comme les petits gars de Bigeard : souples, légers, félins, prêts à bondir ! « C’est la pression mise par le Président sur les députés venus de la société civile », se lamente Jean-Pierre Corneille, maire de la ville.
Certains électeurs diront que, décidément, la politique ne s’exerce jamais sans mensonge, mais il leur reste cinq ans pour déterminer lequel des deux métiers de leur élu leur aura rendu le plus service.
Du coup, les édiles de la région tendent leurs petites mains implorantes vers le ministre de la Santé et sa « haute bienveillance », sur l’air du « Vous nous avez piqué notre docteur, la moindre des choses serait de nous inscrire sur la liste des territoires vie-santé » (ceux qui se partageront 200 millions d’euros d’aides conventionnelles sur cinq ans).
Pour le maire de Cuffies, il ne s’agit pas de prôner la contrainte à l’installation, mais plus sournoisement « l’incitation à l’installation… ou la contrainte à la non-installation ailleurs »
. Ça rappelle furieusement le gag de jadis sur les Ford : « Vous pouvez la commander de la couleur de votre choix, à condition que ce soit noir. »
D’où l’embarras du nouveau député : « On ne peut pas créer une jurisprudence pour Cuffies. »
 D’autant que collée à Soissons, la ville n’a rien d’une plaine à corbeaux désertique : avec ses antennes de l’IUT d’Amiens et de la STAPS, elle accueille chaque jour 700 étudiants.
Il y aurait bien un candidat pour s’installer à Cuffies : un Tunisien expérimenté, médecin référent du lycée français, belle clientèle dans un quartier chic de Tunis, expert près les tribunaux, bref, une épée… qui souhaite se rapprocher de son fils étudiant à Dauphine.
Oui, mais voilà, pour travailler comme libéral en France, ce « non-Européen » devrait exercer trois ans à l’hôpital, payé comme un interne, alors qu’il a vingt-cinq ans de métier et gagne actuellement très correctement sa vie.
On remarque, ici, combien la République est plus souple pour les embauches hospitalières.
Les maires de Cuffies et des alentours comptent donc – ça devient une habitude – sur le ministre pour obtenir une dérogation…
Il y a encore deux ans, un autre médecin, une femme, exerçait encore à Cuffies ; mais elle aussi a déplaqué.
Les initiés disent que les travaux obligatoires de mise aux normes des cabinets l’auraient incitée à partir plus tôt que prévu.

Les handicapés de Cuffies et des communes avoisinantes peuvent dire merci à leur groupe de pression et à la commission ad hoc : avant, ils devaient monter trois marches ; maintenant, ils peuvent faire des kilomètres…

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