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mercredi 13 septembre 2017

Apprendre à lire aux Français, apprendre à lire aux migrants : l’échec

 

Shutterstock Le 13/09/2017

Olga Le Roux
Professeur

 Un grand espoir est mis dans le nouveau ministre dont les déclarations tranchent avec les propos de ses prédécesseurs.

En lisant le long rapport circonstancié présenté au Sénat par Roger Karoutchi, sur « Les échecs de l’apprentissage du français et des valeurs civiques aux migrants », on hésite entre s’arracher les cheveux en pensant aux sommes engagées dans cette entreprise ou se réfugier dans la dérision : comment réussirions-nous à apprendre le français et les valeurs civiques aux migrants alors que nous n’y parvenons pas dans nos écoles ?
Pourquoi ferions-nous mieux en face d’adultes nés et élevés « ailleurs » dans des contrées lointaines, parlant des langues différentes, ayant des mœurs et des cultures très diverses, ayant ou non fréquenté des écoles dans leur propre milieu, sachant ou ne sachant pas lire ?
Une fois de plus, la comparaison montre que d’autres pays européens y parviennent mieux que nous, puisqu’ils sont mieux classés dans les études internationales qui pointent les faiblesses de notre système scolaire.

Le rapport se penche donc sur les insuffisances du programme aussi bien pour l’apprentissage de la langue – dont la réforme de 2016 a diminué le nombre d’heures – que pour la formation civique dispensée de façon absurde et inefficace, inefficace parce qu’absurde.
Il en a été parlé sur Boulevard Voltaire il y a trois jours et je ne reviens pas sur le détail des critiques émises par le rapporteur, l’ensemble étant très détaillé et intéressant.
Déjà que l’assimilation n’est pas la préoccupation de ceux qui nous dirigent, le minimum requis pour comprendre et s’exprimer, pour identifier les traits saillants d’une société et d’une culture (n’en déplaise à M. Macron) où ces migrants se sont glissés plus ou moins légalement, ce minimum n’est pas atteint.
On ne donne même pas à la simple « intégration », qui a l’heur de plaire à la bien-pensance, y compris le pape, la chance de se réaliser.

Là-dessus, un autre article me tombe sous les yeux dans le Figaro du 8 septembre : « Une entreprise sur deux touchée par l’illettrisme et tout le monde – ou presque – s’en fout », la grossièreté du dernier verbe étant censée refléter l’indignation de l’auteur.
Là encore, les tableaux comparatifs sont précis, l’étude semble sérieuse, les chiffres sont effarants et donnent le vertige : 7 % des Français de 15 à 62 ans concernés quand l’école est obligatoire jusqu’à 16 ans.

L’auteur de l’article s’indigne, mais pourquoi ?
Des enseignants – tous niveaux confondus – minoritaires, certes, mais convaincus, un ou deux syndicats par-ci par-là ont tenté vainement, depuis les années 70, d’alerter sur les réformes, les concessions, les abdications des ministères successifs (on sait bien le poids des administrations sur les décisions ministérielles) ; ils ont été moqués, critiqués, traités des noms d’oiseaux habituels.
Les spécialistes en pédagogie, tout pénétrés de leur importance, ont doctement prêché, ils ont été écoutés, ils ont noyauté les centres de formation, et s’il leur arrive à présent d’avoir des éclairs de lucidité, le mal est fait.
20 % des collégiens, ai-je lu, ne maîtrisent pas la lecture en classe de 3e.
Les enfants des uns sont dans le privé, les autres sont abandonnés par le système.
Il est injuste et vain d’incriminer les professeurs qui font, pour la plupart, ce qu’ils peuvent, qui ne sont pas responsables de leurs propres lacunes puisqu’ils sortent des lycées et universités, qui essaient de survivre parfois, de compenser les manques et des élèves et de l’École normale.

Aujourd’hui, un grand espoir est mis dans le nouveau ministre, dont les déclarations tranchent avec les propos de ses prédécesseurs.
 
 Puisse-t-il durer dans son poste et réaliser son programme.
 
C’est la grâce que je lui souhaite.


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