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vendredi 14 juin 2013

Les régimes spéciaux sont des régimes spécieux !


Le Point.fr- Publié le
Pour Hervé Gattegno, si la question de ces privilèges accordés pour partir à la retraite est éludée de la réforme, on pourra crier à la supercherie !

 
RMC : La réforme des retraites entre dans sa phase active avec la remise au gouvernement du rapport de la commission Moreau, qui doit proposer des pistes. Les "régimes spéciaux" pourraient être épargnés. Vous le déplorez. Votre parti pris : les régimes spéciaux sont des régimes... spécieux.
Hervé Gattegno : Le gouvernement a promis de réformer les retraites selon des critères de justice. S'il se confirme que la question des régimes spéciaux sera éludée, on sera en droit de crier à la supercherie. Ce que ces régimes ont de spécial, ce sont les privilèges accordés pour partir à la retraite plus tôt et dans des conditions avantageuses - SNCF, RATP, EDF-GDF, Opéra de Paris, les clercs de notaire, les parlementaires... Ces privilèges ont été justifiés par des difficultés particulières dans ces métiers qui n'existent plus. Ce sont devenus des régimes spécieux, qu'il faut changer par une réforme spéciale.
Vous pensez qu'il faut les abolir purement et simplement ? Les syndicats appellent déjà à la mobilisation pour l'empêcher...

Pour sauver le système par répartition, il faut des efforts mieux répartis - y compris au sein du secteur public, où le déséquilibre est criant entre ces régimes spéciaux et le régime général des fonctionnaires. Le problème, c'est qu'en effet, ces professions favorisées ont aussi pour "spécialité" la grève qui peut paralyser le pays (transports) ou le mettre en panne (énergie). Alain Juppé avait voulu s'attaquer à ces bastions, il a eu un retour de bâton : les grandes grèves de 1995 l'ont laissé politiquement exsangue. Nicolas Sarkozy est le seul qui ait réformé les régimes spéciaux en 2010, mais avec tant de contreparties que ça a coûté plus cher que ça n'a permis d'économiser. La gauche, elle, a surtout fait l'économie... de cette réforme.
Et donc vous redoutez que François Hollande et Jean-Marc Ayrault ne soient pas plus volontaires sur ce point que leurs prédécesseurs ?
Si le rapport Moreau ne va pas dans ce sens, il est probable que le gouvernement ne le contredira pas puisque ces avis d'experts sont faits pour préparer l'opinion... Ce qui est clair, c'est que le sujet des retraites place François Hollande dans une impasse sociale, financière et politique. 1. Il y a un risque de conflit dur avec les syndicats. 2. Il doit à la fois trouver des recettes et réduire la dépense. 3. L'équilibre du système passe par des choix qui divisent sa majorité. Ce n'est pas par hasard que la gauche s'est opposée à toutes les réformes des retraites (1993, 2003, 2007, 2010) : elle sait que son électorat y est largement hostile. Mais cette fois, elle n'a plus le choix.
Avec toutes ces difficultés, quelles options le gouvernement peut-il privilégier pour inspirer la future réforme ?
François Hollande est très réticent à toucher à l'âge de départ. Donc il va panacher les autres options pour éviter l'impression d'une réforme globale - qui risquerait un rejet total. Quoi qu'il fasse, il sera en contradiction avec sa propre politique. La baisse des pensions nuirait au pouvoir d'achat, donc à la relance. Hausser les cotisations des entreprises contredirait le plan de compétitivité. Toute taxation supplémentaire des retraités jurerait avec la promesse de ne plus augmenter les impôts. Donc ce sera une réforme impopulaire, mais nécessaire. Donc ce n'est surtout pas le moment de battre... en retraite.

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